Management, leadership et sorcelleries en Afrique : et si la sorcellerie était une opportunité?

Publié le par Amine Idriss Adoum

Il y a un lien étroit entre les comportements, les attitudes, les pratiques des leaders de l'économie ou de la politique en Afrique et les croyances supposées ou vraies qu'inspirent les pratiques fétichistes ou sorcières. J'aimerai discuter ici très rapidement la question suivante: quelle est la part de la sorcellerie et celle du travail visible dans les réussites individuelles des entrepreneurs ou des leaders politiques ivoiriens, camerounais, tchadiens, nigérians ou encore maliens?  Et si la sorcellerie, en tant que perception, devenait un outil formidable de management ?

La réussite ou l'échec en Afrique sub-saharienne semblent toujours avoir des causes invisibles, mal connues. Un tel entrepreneur, cité en exemple de réussite par tout le monde, doit, dit-on,  sa richesse à un pacte avec un génie. Très peu d'ivoiriens doutent encore des origines "mystiques" de la percée politique de Guillaume Soro, ministre à 32 ans, premier ministre à 36, et certainement l'un des leaders politiques parmi les plus impressionnant de la dernière décennie en Côte d'Ivoire. De même, le charisme d'un Cherif Ousmane auprès des hommes de troupe des FRCI ne peut s'expliquer autrement que par le pouvoir de ses gris-gris, dit-on.

Pendant longtemps, j'ai été de ceux qui ont toujours récusé à la sorcellerie une quelconque utilité. Pire, nous l'avons jugée sans intérêt, et surtout dangereuse en ce sens qu'elle enlève tout jugement à tous ceux qui se laissent entraîner dans son gouffre infernal. Mais avec le temps, et surtout par l'observation et une réflexion construite à partir de l’observation, j’ai fini par accepter ceci : un, que la sorcellerie est une démarche rationnelle, et que, au même titre que toute autre technique, elle procède méthodiquement pour créer de la connaissance, la conserver, la transmettre (la différence entre démarche sorcière et démarche scientifique réside dans les différences de démarches dans la création, la conservation et surtout la transmission de la connaissance : dans ce domaine, la science privilégie la transparence et la remise en cause, tandis que la sorcellerie préfère soigneusement encadrer la conservation de  ses savoirs, et surtout leur transmission (la diffusion de la connaissance au plus grand nombre semble exclu des démarches sorcières) ; deux, que les connaissances sorcières ne sont ni bonnes ni mauvaises, comme les connaissances nées de la démarche scientifique; et enfin, trois, que la sorcellerie, du fait que sa diffusion et sa transmission soient totalement ésotériques, crée toujours des faux prestiges et des fausses peurs, ou encore des mythes. Mais en même temps, faux prestiges, fausses peurs ont des conséquences sur le réel qui sont tout a fait vraies.

Pour beaucoup de personnes en Côte d’Ivoire  ou au Cameroun par exemple, réussite, ou échecs, tout comme la joie ou la mort, ne sont jamais des évènements fortuits. En réalité,  les actes personnels n’ont presque jamais  de conséquences. Tout ce qui se passe ici et maintenant est la conséquence d’un acte, d’un fait ou d’un geste posé par une tierce personne, un génie, ou une divinité.

Je suis convaincu que beaucoup de leaders en Afrique ont fini par prendre  conscience du potentiel de manipulation, ou de management aussi si on veut, que représente la sorcellerie. Peu importe si la sorcellerie est une réalité ou non. Le plus important, ce que si la perception est une réalité, la sorcellerie, en tant que perception (comme beaucoup de gens le instruits le pensent), l’est aussi. Qu’elle puisse véritablement provoquer des évènements ou modifier le cours des choses ou pas, ce n’est pas important. Le plus important, ce que si le gens croient que grâce a ses pouvoirs de sorciers, un leader peut modifier le cours des choses, ceci modifier profondément leurs comportements vis a vis de lui, et tous ses actes, tous ses gestes, auront une portée différente. Ceci lui enlève certainement tout mérite personnel, mais, en même temps, lui ouvre des possibilités illimitées.

Avis aux leaders!

 

Publié dans Culture

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